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La vallée de la Vézère est depuis longtemps considérée comme la capitale de l’archéologie préhistorique.

La qualité et la densité de la recherche archéologique qui s‘y déroule depuis près de deux siècles n’expliquent qu’en partie la réputation de ce lieu. En effet, sans l’excellente conservation des vestiges liée à la nature calcaire du sol et à la relative continuité de l’occupation humaine depuis plusieurs centaines de millénaires, la vallée de la Vézère n’aurait probablement pas attiré autant d’amateurs, d’archéologues et maintenant de touristes.

Vue panoramique des Eyzies. Carte postale. [s.d.]

 

Qualité et densité de la recherche archéologique depuis près de deux siècles

Dès le début du XIXème siècle, la vallée de la Vézère a été fréquentée par les précurseurs de la préhistoire qui ont marqué les premiers pas cette « jeune » science, et ceci même avant les travaux de Boucher de Perthes.

François Vatar de Jouanet (1765-1845), considéré comme le « grand-père » de la préhistoire, découvre en 1816 et 1817 deux sites essentiels, Combe-Grenal et Pech-de-l’Aze. Il est également le premier à orienter ses investigations vers les grottes et abris et à suggérer l’existence d’un âge de pierre antérieur à celui de la pierre polie. Il publie ses fouilles de Badegoule en 1834, dans une revue locale, "le Calendrier du Département de la Dordogne", en 1834.
L’abbé Audierne (1798-1891), grâce au premier guide touristique grand public « De l’origine de l’enfance des arts en Périgord » dont il est l’auteur, tient un rôle important de vulgarisateur de cette nouvelle science.
Alexis de Gourgues (1801-1885), géologue, est le premier à observer la répartition de ses découvertes de silex taillés au sol amorçant ainsi les futures études palethnographiques.
Edouard Lartet (1801-1871), paléontologue averti, découvre avec son ami Henry Christy (1810-1865) en 1864, au cours de leurs nombreuses fouilles (Laugerie-Haute, Laugerie-Basse, le Moustier…), une pièce en ivoire exceptionnelle gravée d’un mammouth provenant de la Madeleine. Elle constitue un argument décisif pour les « contemporanéistes », partisans de l’idée que les hommes et les animaux antédiluviens tels que le mammouth ont pu coexister.

 


 Les dates clés des débuts de la recherche archéologique

1834 : 1ère suggestion, par Jouannet, de l’existence d’un âge de pierre antérieur à celui de la pierre polie
1859 : admission de la contemporanéité d’instruments de pierre et de la faune quaternaire aujourd’hui disparue (Boucher de Perthes, Falconer, Evans, Pestwich, Lyell, Gaudry, Lartet …)
1862 : découverte d’un bloc de brèche provenant de la grotte Richard chez un antiquaire parisien contenant des silex taillés et des ossements de renne.
1863-1864 : premières fouilles de Lartet et Christy en Dordogne (la grotte Richard puis le vallon de Gorge d’Enfer, Laugerie-Haute, Le Moustier, La Madeleine, Laugerie-Basse, La Liveyre, Le Pech de l’Aze). Ce moment marque un tournant pour le village des Eyzies et plus largement la vallée de la Vézère qui va devenir la capitale de la Préhistoire.
1868 : découverte d’ossements humains (4 adultes et un jeune enfant) mêlés à des silex taillés, des ossements d’animaux et des coquillages à Cro-Magnon lors de travaux d’aménagement de la route pour accéder à la toute récente gare des Eyzies. C’est la révélation de « l’homme de Cro-Magnon ».
1872 : fondation de l’Association Française pour l’Avancement des Sciences (AFAS) qui réunit de nombreux scientifiques de toutes les disciplines. Le premier congrès se tient à Bordeaux et une excursion est organisée aux Eyzies le 8 septembre en train spécial.
1869-1872 : première classification archéologique du Paléolithique de Gabriel de Mortillet
1879 : découverte des bisons peints de la Grotte d’Altamira en Espagne par Marcelino S. de Sautuola et sa fille qui se heurte au scepticisme de la communauté scientifique.
1887 : arrivée en Périgord d’Emile Rivière qui va fouiller ou faire fouiller une vingtaine de sites prestigieux pendant plus d’une vingtaine d’années (comme Cro-Magnon, Oreille d’Enfer, Laugerie Basse, Laugerie-Haute, La Micoque, Les Combarelles, Laussel, La Madeleine, La Ferrassie …). Les méthodes sont souvent sommaires jusqu’à épuisement du site.
1891 : arrivée de Peyrony aux Eyzies qui marque le début d’une nouvelle ère avec le démarrage de grands travaux (Peyrony, Capitan, Rivière, Cartaillac, Breuil, Hauser …). C’est également le début des excursions touristiques (rédaction des premiers guides).
1895 : communication d’Emile Rivière au Congrès de l’Association Française pour l’Avancement des Sciences (AFAS) sur les peintures de La Mouthe (une des grottes découvertes après Altamira en Espagne (1879) avec Pair-non-Pair en Gironde (1897) et Marsoulas (1898) Haute-Garonne).
1901 : découverte des figures des Combarelles par Breuil, Capitan et Peyrony. Quelques jours après, Peyrony, encore sous l’émotion de cette découverte se rend à Font-de-Gaume et découvre les fantastiques peintures pariétales.
1902 : excursion de l’AFAS à La Mouthe mais également à Combarelles et Font-de-Gaume qui signe la confirmation de l’âge préhistorique de ces œuvres. A souligner le mérite et l’obstination d’E. Rivière, premier à révéler l’art paléolithique du Périgord. Il a réussi les premières photographies d’art préhistorique dans le noir total (qui nécessitaient l’allumage de 150 bougies soit 5 à 6 heures de préparation !).


L’environnement naturel
Cette vallée est au coeur d’un cadre naturel privilégié : située entre les marges du Massif Central et le rivage atlantique, elle bénéficie de différentes influences climatiques qui ont probablement favorisé l’installation des groupes de chasseurs-cueilleurs préhistoriques.

Deux traits majeurs caractérisent ce paysage : la nature calcaire du terrain et le riche réseau hydrographique organisé autour de la Vézère, la Dordogne et l'Isle plus au nord ouest.
De nombreuses grottes et abris-sous-roche constituent de véritables « habitats clé en main ». Les premières résultent, pour la plupart, du ruissellement des eaux de pluie dans le karst empruntant les fissures naturelles et les élargissant progressivement. La formation des abris est un peu différente : l’action du gel, plus forte sur certaines strates rocheuses, forme des surplombs rocheux amenés à s’effondrer.
Le climat et la topographie des lieux permettent, à une échelle humaine, de rencontrer une grande variété des biotopes : les ressources animales et végétales sont diversifiées et riches, même au plus froid des temps glaciaires.
De plus, les ressources en silex, indispensable à la fabrication des outils, sont très abondantes et facilement accessibles.
Toutes ces caractéristiques environnementales font que cette région est considérée par les préhistoriens comme une zone-refuge en période glaciaire et qui n’a donc pratiquement pas connu d’interruption dans son occupation par l’homme.

La conservation des vestiges
Le contexte géologique des grottes calcaires est très favorable à la préservation des vestiges osseux indispensables aux études archéologiques qui portent entre autres choses sur les relations qu’entretenait l’homme avec la faune sauvage et plus particulièrement sur les modes subsistance préhistoriques. 

La formation de dépôts de pente et d’effondrement en pied de falaise ont permis la protection et la fossilisation de nombreux gisements découverts par la suite au cours de travaux d’aménagement de route, de voies ferrées… Millénaire après millénaire, ces lieux ont enregistré la vie quotidienne de nos ancêtres et ont permis la constitution de ces grandes stratigraphies de référence (La Micoque, La Ferrassie, Laugerie-Haute, Laugerie-Basse, La Madeleine, Pataud…).
Si l’on met bout à bout mentalement des stratigraphies des sites éponymes de la Micoque jusqu’à à la Madeleine soit environ 400 000 ans de fréquentation humaine (ce qui représente environ 40 mètres d’épaisseur de sédiments accumulés), on prend plus facilement conscience de l’ancienneté et de la pérennité de l’occupation humaine en vallée de Vézère.
Par ailleurs, la fin des temps glaciaires a été marquée par une forte période de colluvionnement qui a eu pour conséquence de fermer pour longtemps de nombreuses cavités en préservant les œuvres mais également les vestiges de la vie quotidienne préhistorique quelquefois très ténus (empreinte de pas, de main…).